22.02.2021 Télécharger en PDF

Redéfinir le succès : zoom sur les forces

L’intégrité, une valeur révolue ?

Par Patrick K. Magyar

Même s’ils contribuent fortement au succès, l’intégrité et le courage moral ne sont souvent pas assez présents et les lanceurs d’alerte sont fréquemment décriés. Mais de nouveaux modèles laissent espérer un retour à ces valeurs.

Défendre les courageux

En tant que directeur du Weltklasse Zurich et PDG des championnats d’Europe d’athlétisme 2014, dans le cadre d’une interview sur le leadership, j’ai lancé un appel à la protection des personnes ayant du courage moral. Je pensais à une collègue, dont le savoir et l’engagement pour nos organisations étaient indéniables. Et pourtant, d’autres la critiquaient, en lui reprochant de se mêler de tout. Elle, elle estimait que le bien-être des «gens simples», donc des bénévoles, des spectateurs et des athlètes, n’était pas assez promu dans l’organisation.

Assumer les conséquences

En tant que chef, je n’aimais pas trop non plus ses interventions, d’autant plus qu’elle avait souvent raison. Elle ne demandait qu’une chose, au risque d’en faire les frais : mettre en pratique les valeurs que nous avions définies. Car qui aime se voir reprocher un manque d’intégrité ? On est intègre quand nos actes correspondent aux valeurs définies, et on a du courage moral quand on fait preuve d’intégrité, même si cela engendre des inconvénients. Le courage civil, c’est intervenir lorsque c’est nécessaire plutôt que de faire l’autruche. Cette collègue faisait ce qui était juste et contribuait fortement à notre succès. Les « gens simples » nous faisaient confiance et appréciaient notre loyauté envers nos valeurs. J’ai honte de ne pas y avoir accordé assez d’importance pendant longtemps.

Les lanceurs d’alerte critiqués

Plus tard, j’ai appris que le courage moral pouvait même être dangereux. Fin 2014, Yuliya et Vitaly Stepanov, deux de mes amis proches, ont mis au jour le système de dopage russe, ce qui a provoqué le plus gros scandale dans l’histoire du sport. Grâce à eux, des dizaines de milliers d’athlètes bénéficient de conditions plus justes en compétition. Menacés, insultés et humiliés, comme plein d’autres lanceurs d’alerte, ils ont dû quitter leur pays et vivre dans le secret. Quasi personne ne voulait les aider ; et encore moins les organes « officiels ». Pourtant, comme l’a dit Franca Magnani, plus les citoyens font preuve de courage moral dans un pays, moins celui-ci a besoin de héros.

Greta Thunberg et le climat

Mais il arrive aussi que le courage moral serve d’exemple. Quoi qu’on pense de la lutte climatique que mène Greta Thunberg, il faut reconnaître qu’elle est très intègre. Elle ne prend pas l’avion, a un régime végane et n’achète que ce qui est essentiel. Prête à assumer les conséquences de ses valeurs et de ses actes, elle est vue comme un modèle par des millions de jeunes, qui assument les conséquences des grèves scolaires et changent leurs habitudes en matière d’alimentation et de voyages. Il faut avouer qu’un tel engagement est remarquable, quelle que soit sa position écologique.

L’intégrité : le retour

Espérons que ces modèles contribuent à remettre l’intégrité et le courage moral au goût du jour, y compris dans la sphère économique. Il faut que l’intégrité fasse son retour dans les équipes, sous forme de contrat tacite. Les lanceurs d’alerte qui se battent pour une cause juste et les personnes qui font preuve de courage civil doivent être protégés et soutenus. L’intégrité et le courage civil mènent à la confiance, clé du succès en équipe, que ce soit vis-à-vis de soi-même, de l’équipe ou de l’avenir, surtout quand les temps sont durs.


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Forme inédite

Un autoportrait de l’auteur Patrick K. Magyar
A travers leurs portraits, nos auteurs offrent un aperçu de leur mode de pensée et de leurs expériences de vie. Cela vous aidera à mettre en contexte leurs articles et leurs points de vue.